Depuis que l’on a créé Bhallot, le voyage a toujours été au cœur de notre ADN. D’abord en voyage au cœur du jute au Bangladesh pendant 2ans, le retour d’expérience nous a appris qu’il y avait aussi de belles choses par chez nous. En témoigne cette fibre à cheval sur plusieurs pays : le lin ! Ce récent voyage nous a permis d’apprendre de nouvelles choses (et oui on ne savait pas tout), et de voir pour mieux comprendre. Il nous a aussi permis de nous replonger sur l’essence même de Bhallot, et de se souvenir, entre autre, que ce projet est une alternative à la mondialisation. Faire moins, mieux, plus local.
Dans cette article on vous propose de remonter toute la filière tel que l’on a vécu de la graine jusqu’au tissu avec nos surprises et nos interrogations.
De la graine à la fibre
Une culture au superlatif : locale, de qualité, écologiques etc…
Une culture Française et Belge qui a résisté à la mondialisation. C’est un coup de chance mais on ne peut que remercier mère nature ! Une des premières choses qui est assez choquant c’est de voir que toute la filière industrielle du lin s’est exporté à l’étranger alors que la partie agricole est toujours présente. On retrouve le célèbre « 80% de la production mondiale de lin est française mais seulement 20% est transformé en Europe ». Alors pourquoi la partie agricole est-elle resté en France ? Tout simplement, parce que le lin est de bien meilleure qualité dans nos régions. De nombreuses tentatives ont été faites, du transfert de technologie et de connaissance ont été réalisés mais rien ni fait. La terre, le climat et le savoir-faire sont des paramètres qui jouent en faveur d’une culture locale.
Le lin est une plante facilement reconnaissable, lors de la floraison, par ses fleurs bleus. Une plante peut faire entre 1m et 1m10, cette année elles seront uniquement à hauteur de 90cm du fait de la faible pluviométrie lors de la croissance de la plante.
Le lin est une culture qui dépend beaucoup de la météo : une culture a risque ! Ce que l’on prenait comme un argument de taille « le lin pousse avec l’eau qui tombe du ciel » est aussi une difficulté pour l’agriculteur. Cela a été une grande surprise pour nous, on avait toujours cru, tout comme le jute, que le lin poussait naturellement et donc facilement. En réalité, il faut comprendre que le lin a besoin d’assez d’eau pendant la croissance, mais il n’en faut pas trop non plus pour pas qu’il ne soit trop haut et qu’il tombe au moindre coup de vent. En moyenne, il est récolté 4 à 6 tonnes l’hectare de « paille » de lin. Sachant que lors du teillage (séparation de la fibre et de la tige/écorce) il ne reste que 50% de fibre.
Elles se plantent vers mars, les plantes sont alors arrachés et rouie en Août pendant 3 à 4 semaines et se teille juste après. L’arrachage permets de conserver un maximum de longueur de fibre.
Une transformation fragile, délicate et zéro déchet.
Ici ce que l’on appelle « transformation » concerne le rouissage et ensuite le teillage. Le but est d’arriver à du lin teillé. Alors qu’est ce que le lin teillé ? Le lin teillé c’est la récupération de la fibre qui se trouve à l’intérieur de la plante.
La plante est composé, en partant de l’extérieur vers l’intérieur, d’écorce, de la fibre (on veut ça) et d’une tige. Le but étant de séparer tout ça et la première étape consiste à rouir le lin.
Le rouissage.
Le rouissage est une étape qui intervient juste après l’arrachage. Elle consiste à laisser les plantes étendu au sol et de laisser le pluie et le soleil faire sont effet. Des petites bactéries vont venir manger les enzymes entre les différents éléments qui composent la plante pour faciliter la séparation.
La mondialisation aurait voulu un rouissage efficace,rapide et pas cher. C’est tout le contraire qui est actuellement fait en France si on veut un rouissage de qualité et sobre énergétiquement. Il y a certain temps, le rouissage se faisait dans nos rivières, des balo de lin étaient immergés afin de faire un rouissage efficace. En Asie c’est aussi ce qui est réalisé, de grandes cuves d’eau dans lequel on immerge le lin. C’est très efficace, moins risqué mais la qualité est moindre. D’autant plus que la qualité de l’eau est fortement détérioré !
Rouir le lin, c’est délicat car cela dépend de la météo. Trop de pluie ou pas assez pourrait rendre le lin de mauvaise qualité.
Le teillage.
Ici le but est d’arriver a du lin teillé. Autrement dit à extraire la fibre. C’est la partie où l’on peut dire que « rien ne se perd tout se transforme ». Les fibres longues servent à faire des tissus, les fibres courtes sont mélangés avec d’autres fibres et servent à faire du composite, de l’isolation etc… La tige et l’écorce servent de litière. Les graines servent d’aliment ou à faire de l’huile.
C’est cette denrée rare que des industriels chinois et l’indous achètent à grand coup de conteneur afin de satisfaire leur marché intérieur car il y a une très forte demande des jeunes pour porter du lin. Et c’est pour cette raison que Bhallot se retrouvent en pénurie de lin. Albert Brille grand teilleur de Belgique, a qui l’on a rendu visite, exporte son lin majoritairement en Chine et en Inde.
La partie textile.
Libeco, suivre le rythme de la mondialisation sinon rien !
Passons à la suite, filature et tissage. 2 transformations qui nécessitent du personnels, une certaine maitrise industrielle. La majorité de ces usines ont mis la clés sous la porte depuis la « désindustrialisation » de la France et la Belgique. Et qu’on le veuille ou non, LIBECO, a survécu à ce raz-de-marré parce qu’ils ont pu suivre le rythme d’industrialisation que la mondialisation leur imposait.
C’est assez choquant de passer de notre atelier de 4 personnes a une usine qui fait 60millions de chiffre d’affaires et qui est toute fière de nous montrer ces transpalette automatique, ces rangements par robot etc… c’est un fait, l’innovation technologique leur permet de rester compétitif et d’être toujours présent aujourd’hui avec une usine zéro carbone !
Ce qui est rassurant c’est que les métiers à tisser et le contrôle qualité nécessite toujours du personnel qualifié même pour une entreprise qui réalise 15km par jours de lin et qui produit plus de 3000 références. Aujourd’hui LIBECO ouvre son propre centre de formation afin de recruter du personnel qui sera qualifié.
à noter quand-même que la partie filature se fait chez une filiale de LIBECO qui se trouve en Pologne.
Le lin : une fibre locale & mondialisé.
On a beau se raconter de belles histoires parfois il faut regarder la réalité en face ! S’il existe du lin encore en Europe c’est parce que certains ont réussi à suivre le rythme effréné de la mondialisation tout en respectant leur savoir-faire. Le lin est mondialisé et c’est pourquoi aujourd’hui, il est toujours présent. Cependant il reste encore une lueur d’espoir quand on voit qu’un faible pourcentage est encore réalisé et transformé en Europe. Le lin représente 1% des fibres cultivés dans le monde et seulement 20% de ces 1% ne sont pas exportés. La réalité est faible mais tant qu’il y aura encore des résistants, l’espoir sera présent. Et nous croyons sérieusement qu’on arrivera tôt ou tard à changer les choses a plus grande échelle ! C’est une croyance qui peut devenir réalité si seulement on continu d’y croire.
« Je lui dis que je ne veux pas d’espoir parce que l’espoir est un poison : un poison qui nous enlève la force d’aimer ce qui est là » La joie – Charles pépin
Ce qui est là ? c’est bien le lin ? On continue d’aimer ce qui est là quitte à s’empoisonner.